Des femmes pionnières de la pêche artisanale au Bénin

De Grand Popo à Cotonou – Au cœur du Bénin, la pêche artisanale devient une histoire de femmes, de détermination, et de communauté. De Grand Popo à Cotonou, des femmes transformatrices et mareyeuses font face aux défis avec courage, créant des réseaux associatifs pour surmonter leurs obstacles. Immersions dans le quotidien de ces actrices qui transforment la pêche artisanale en une source de vie et d’inspiration.

Sous le hangar, des vies tissées d’inspiration

Groupe de femmes sous un hangar à Agoué Photo Aliou DIALLO -CAOPA-

Sous un hangar trempé par la lumière douce d’un 24 novembre 2023 au village d’Agoué -Grand Popo-, une vingtaine de femmes transformatrices et mareyeuses se réunissent pour échanger et partager un bout de leur quotidien. Le lieu, partiellement couvert de feuilles de cocotier, devient le théâtre de la vie vibrante qui anime cette communauté.

À 10h45, le soleil bienveillant n’impose pas sa chaleur, tandis que la brise marine caresse les visages des femmes concentrées sur leurs activités. L’atmosphère est électrique, chargée d’une énergie collective qui transcende les tâches quotidiennes.

Certaines femmes, assises autour d’un long banc en bois, écrasent méticuleusement des arachides. Le son régulier de la tâche rythme la scène, une symphonie du labeur quotidien. D’autres, sont assises sur le sable fin, remettent en état les filets de pêche avec une dextérité acquise au fil des années.

Pendant ce temps, un groupe d’hommes, sous un autre hangar, s’affaire à la confection minutieuse de nouveaux filets de pêche. La collaboration entre les hommes et les femmes forme une danse harmonieuse, chaque geste contribuant à la toile complexe de la pêche artisanale à Grand Popo.

Un groupe d’hommes s’affaire à la confection minutieuse de nouveaux filets de pêche

Au cœur de cette ruche d’activités, émerge un sentiment d’unité et de détermination. Ces femmes, porteuses d’une tradition ancestrale, transforment chaque journée en une célébration de la vie et du travail acharné. Elles font bien plus que transformer des produits halieutiques ; elles tissent des liens, renforcent des communautés et insufflent une force dans chaque geste qu’elles posent.

Agoué devient ainsi le théâtre d’une vie en mouvement, où la mer, les cocotiers et les mains habiles s’entremêlent pour créer une symphonie de persévérance. Ces femmes transformatrices et mareyeuses ne sont pas simplement actrices de la pêche artisanale, elles sont les gardiennes d’une tradition précieuse et les bâtisseuses d’un avenir empreint de résilience.

L’Association des Femmes Membres de l’USCOFEP Bénin

Au village d’Agoué, l’Association des Femmes Membres de l’USCOFEP Bénin est une force vive. Avec 84 membres dédiées à la transformation du poisson (fumé, salé, frais), Ayina Fernande, Secrétaire Générale, guide cette communauté vers le succès. Chaque mercredi, elles échangent et cotisent 200 FCFA par personne, permettant des prêts aux membres nécessiteuses pour acheter le poisson.

Noix de coco, illustrant la méthode traditionnelle utilisée par les femmes pour le fumage

Les femmes de la communauté d’Agoué utilisent du bois de chauffe et des écorces de noix de coco pour le fumage du poisson. Cette méthode traditionnelle de fumage confère au poisson un arôme distinctif tout en assurant sa conservation.

Le fumage avec de noix de coco est estimé à un montant allant de 700 à 1000 FCFA pour la quarantaine des noix. Cette dépense est une partie intégrante du processus de transformation des produits halieutiques et contribue aux coûts globaux supportés par les femmes transformatrices d’Agoué dans leur activité quotidienne.

Foyers de transformation fournis par Eco-Bénin

Eco-Bénin intervient en fournissant des foyers pour la transformation des produits halieutiques, offre des formations et contribue à la sensibilisation. L’association bénéficie de deux ans d’existence, d’une formation continue, et dispose d’un compte bancaire.

Sodji Hortence, présidente de l’association, a fait un plaidoyer à l’endroit des autorités et à toutes les bonnes volontés : “Nous sollicitons un accompagnement technique comprenant des fours améliorés, des glacières, une chambre froide, des frigos solaires, et des fonds pour acheter les produits halieutiques.

Ayi Guinnou : Société Coopérative des Femmes pour la Paix (SCOPEP)

À Ayi Guinnou, la SCOPEP rassemble 60 femmes depuis sa création en juillet 2022. Cotisant 1000 FCFA par mois, elles se consacrent à la transformation des produits halieutiques, au mareyage, et aux activités maraîchères. Un droit d’adhésion de 5000 FCFA garantit l’engagement, et des pénalités existent pour celles qui ne respectent pas les règles.

Réunion de l’Association des Femmes Membres de SCOFEP Bénin

En plus des défis liés à l’écoulement des produits, l’accès au marché, et les conditions de stockage, la SCOPEP fait face à la raréfaction des ressources halieutiques. Elles organisent la distribution équitable des captures, mais l’impact se fait sentir avec des revenus parfois insuffisants. Le maraîchage individuel devient une solution, permettant de subvenir aux besoins familiaux, scolariser les enfants, et assurer les soins de santé.

La Présidente, Gnamadi Marceline, et la Secrétaire Générale, Sandji Polline, expriment leurs besoins en termes d’accompagnement technique et de formations pour renforcer leurs activités.

“Nous avons besoin de formations sur la gestion des organisations, les techniques de transformation, et de valorisation des produits halieutiques.

Cultures maraîchères et terres fécondes

Femme travaillant dans leur champ maraîcher, soulignant la diversification de leurs activités pour assurer la subsistance

Au sein de la SCOPEP à Ayi Guinnou, la pratique des cultures maraîchères émerge comme une réponse ingénieuse aux défis rencontrés par ces femmes engagées dans la pêche artisanale. Avec dévouement, elles cultivent des produits tels que l’oignon, la carotte, la betterave, le chou, le piment, la laitue, et le grand Morel. Ces terres, souvent louées à des prix variants entre 15 000 et 30 000 FCFA, représentent bien plus qu’un lopin de terre. Ces cultures maraîchères deviennent ainsi le prolongement fertile de leur détermination, une manière de tisser un avenir nourri par la diversification de leurs activités et la maîtrise de leur destin.

USCOFEP Bénin : Unissant plus de 200 Femmes

Des femmes de l’USCOFEP Bénin -Cotonou-

Avec plus de 200 membres actifs depuis quatre ans, l’Union des Sociétés Coopératives des Femmes de la Pêche du Bénin (USCOFEP) incarne la transparence dans la gestion des revenus. La présidente, Mme Anani Élisabeth, dirige cette association qui offre de multiples avantages, de l’information à l’entraide, des formations à l’accompagnement. Leur cotisation hebdomadaire de 500 FCFA et mensuelle de 1000 FCFA a accumulé un solide fonds de 5 000 000 FCFA.

Cependant, les défis persistent avec des problèmes d’écoulement des produits, principalement vendus à des particuliers et des restaurants. Les femmes de l’USCOFEP Bénin demandent de l’aide, cherchant un soutien financier pour surmonter ces obstacles. Une chambre froide solaire et des réfrigérateurs sont parmi leurs demandes pour améliorer leurs activités.

Vente des produits frais

Nous faisons face à des problèmes d’écoulement de nos produits. Nous disposons de diverses variétés de produits halieutiques : conservation par glace, salé séché, fumé, etc. C’est en vendant nos produits que nous couvrons les charges et les besoins de la famille, la scolarité des enfants. Nous, transformatrices et mareyeuses, dépensons plus que nos maris.

Ces femmes de Grand Popo et celles de Cotonou illustrent la résilience des acteurs de la pêche artisanale au Bénin. Leurs récits démontrent non seulement la contribution significative de ces femmes à l’économie locale mais également leur capacité à se mobiliser pour surmonter les défis. Elles plaident pour plus d’accompagnement, car leur impact va bien au-delà des eaux salées de l’Atlantique.

Mamadou Aliou DIALLO

De retour du Bénin

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