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Faire de la pêche artisanale un pilier du Pacte européen pour les océans

Le 5 mars 2025, à Bruxelles, le Forum Bleu Européen a accueilli un dialogue crucial sur l’avenir des océans et de la pêche dans le cadre de la conception du Pacte européen pour les océans. Ce pacte, porté par la Commission européenne, vise à garantir la cohérence des politiques liées aux océans tout en conciliant santé marine, biodiversité et prospérité économique.

Durant les discussions avec les participants, Mme Raissa Madou Leka, représentante de la Confédération africaine des Organisations professionnelles de pêche artisanale (CAOPA) et transformatrice de poisson en Côte d’Ivoire, a livré un plaidoyer fort en faveur de la pêche artisanale africaine.

Son message ? L’Europe doit soutenir une économie bleue durable et équitable, où les communautés côtières africaines ne sont pas laissées pour compte.

Un Pacte qui doit inclure la pêche artisanale

« Dans les pays africains, la pêche artisanale est essentielle pour la sécurité alimentaire, pour l’emploi, et aussi pour la conservation de la biodiversité dans les zones côtières », a rappelé Raissa Madou Leka Nadège dès le début de son intervention.

Malgré cette importance capitale, la pêche artisanale est aujourd’hui fragilisée. L’accès aux ressources halieutiques se réduit, les réglementations internationales ne prennent pas toujours en compte les réalités locales, et les pêcheurs doivent faire face à une concurrence accrue de la pêche industrielle et aux impacts des industries extractives.

Pour Raissa, l’Union européenne, à travers son Pacte pour les océans, doit intégrer la pêche artisanale comme un axe central de sa politique de coopération avec l’Afrique.

« Une pêche artisanale durable en Afrique, soutenue par nos États et le partenaire européen, agira comme un levier pour le développement social et économique inclusif de nos pays. »

 

Des zones protégées pour préserver la biodiversité et les moyens de subsistance

Une des propositions majeures défendues par la CAOPA est la mise en place de zones d’accès réservées à la pêche artisanale.

Selon la professionnelle, garantir ces espaces exclusivement dédiés aux pêcheurs artisans est une condition essentielle pour assurer une gestion équitable et durable des ressources marines. Mais cela ne suffit pas :

« Il est également essentiel de garantir que la gestion de 100% de ces zones côtières maritimes soit faite en concertation avec les hommes et les femmes de la pêche artisanale. »

Cette approche collaborative a déjà prouvé son efficacité dans plusieurs pays africains, où les zones réservées co-gérées par les communautés de pêcheurs et les autorités ont permis de restaurer les stocks halieutiques et de protéger la biodiversité.

Dans cette optique, Raissa appelle l’Union européenne à reconnaître et soutenir ces initiatives, en les intégrant aux engagements internationaux de conservation.

« Comme l’a agréé l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ces zones co-gérées, qui ont un objectif de conservation, devraient être considérées comme des contributions à l’objectif de conservation de 30% des zones marines à l’horizon 2030. »

Économie bleue : une opportunité ou une menace ?

L’un des points les plus sensibles abordés lors de cette session concernait l’économie bleue.

L’Europe promeut cette vision économique comme un moteur de croissance durable, combinant exploitation responsable des océans et innovation technologique. Mais pour Raissa Madou, cette transition doit être maîtrisée et encadrée pour éviter de nouvelles injustices.

« Aujourd’hui, l’avenir des communautés de pêcheurs est de plus en plus menacé par les activités polluantes et destructrices d’autres acteurs plus puissants de l’économie bleue, comme le secteur de l’énergie, le pétrole, le gaz, l’extraction de minerais. »

Autrement dit, si l’économie bleue profite uniquement aux grandes entreprises, elle devient une menace pour les pêcheurs artisans. L’Europe ne peut pas promouvoir un modèle de croissance qui sacrifie les populations qui dépendent directement des ressources marines.

Elle a lancé un avertissement clair aux décideurs européens :

« Il faut que le Pacte européen pour les océans mette en avant l’approche de précaution dans sa promotion de l’économie bleue. Ne donnez pas le feu vert à une économie bleue qui pollue, qui détruit les écosystèmes et qui détruira les communautés qui dépendent de ces écosystèmes pour vivre. »

Quelle suite pour le Pacte européen pour les océans ?

Le Forum Bleu Européen a permis aux parties prenantes de partager leurs attentes et recommandations pour un Pacte européen réellement équitable et durable.

L’intervention de Raissa Madou Leka a souligné l’urgence d’intégrer la pêche artisanale dans ce cadre et d’en faire un levier de développement économique et social en Afrique.

Si l’Europe veut atteindre ses objectifs de biodiversité et de gouvernance durable des océans, elle ne peut pas ignorer les communautés qui vivent de la mer.

Un message clair : une économie bleue qui exclut les communautés des pêcheurs artisans n’est pas une économie bleue durable.

Aliou DIALLO

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