Usine de farine de poisson : Une menace pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle ?

L’implantation d’usines de production de farine de poisson peut intensifier la surexploitation de la ressource halieutique au Sénégal et dans la sous-région ouest-africaine, a alerté le président de l’association pour la promotion et la responsabilisation des acteurs de la pêche maritime (APRAPAM).  Gaoussou Gueye s’est exprimé sur ce sujet lors du septième forum relatif à « La production de farine de poisson : enjeux pour les communautés côtières ouest-africaines », en 2017 au Sénégal.

Très inquiet, le professionnel présume : « Si nous comprenons que cette ressource transfrontalière, surtout les petits pélagiques, où il y a une nécessité d’ériger des règles de bonne gouvernance, de transparence et de politiques de stocks partagés avec nos voisins, nous risquons d’avoir une insécurité alimentaire au niveau de nos pays. » Il soutient que le poisson représente beaucoup en termes de création d’emplois, de sécurité alimentaire et de stabilité sociale.

Rappelant que les petits pélagiques constituent « le filet de sécurité alimentaire » des populations locales, le président de l’APRAPAM pense que si rien n’est fait par rapport à ces usines, des acteurs perdront leurs emplois au niveau de la pêche artisanale sénégalaise qui fournit environ 600 000 emplois directs et indirects.

« Cette problématique est encore beaucoup plus douloureuse, parce qu’on ne sait pas comment ces usines sont installées et par qui », a-t-il regretté Gaoussou Gueye. Toutefois, se souvient-il, lors de la première conférence internationale sur la transparence dans le secteur de la pêche, tenue en février 2015 à Nouakchott, en Mauritanie, le président de la République, Macky Sall avait prit l’engagement pour la transparence dans le secteur de la pêche. « Mais qu’est-ce qu’il en est aujourd’hui ? »

Il s’est interrogé en ces termes : « Je me demande si réellement le président de la République est informé de la catastrophe que constituent ces usines de production de farine de poisson, à tous les niveaux, notamment sur les plans alimentaires mais aussi sur la gestion, la rationalisation et la durabilité de la ressource, ainsi que leur impact sur le plan environnemental et de la santé des populations ».

Tenant compte de l’importance des petits pélagiques au Sénégal et en Afrique de l’Ouest, M. Guèye, également président de la Confédération africaine des organisations professionnelles de la pêche artisanale (CAOPA, a conseillé de ne pas privilégier la farine de poisson pour nourrir du bétail et de la volaille, au détriment de la consommation humaine.

Problématique de la production de la farine de poisson

Selon une étude réalisée par APRAPAM en 2017, la conséquence de la prolifération incontrôlée de cette activité se traduit par des impacts néfastes sur la ressource, la sécurité alimentaire et les emplois, l’environnement et la santé publique des riverains de ces unités de production de farine de poisson.

Cela s’explique par le fait que la matière première pour la farine est presque exclusivement constituée de sardinelle, espèce qui est aujourd’hui la principale source de protéines d’origine animale, d’emplois et de revenu des professionnels de la pêche artisanale et des populations de la sous-région.

En Afrique de l’Ouest, les dangers liés à l’implantation croissante d’usines de production de farine de poisson incluent principalement : « La surexploitation de la sardinelle »

Sur ce point, le groupe de travail FAO/COPACE, composés d’experts représentant les États côtiers et ceux des pays qui pêchent dans la sous-région, a recommandé depuis plusieurs années la réduction de l’effort de pêche sur cette ressource reconnue en état de surexploitation vu la pression croissante, notamment liée à la pêche pour la farine.

Sur l’aspect « insécurité alimentaire », pour le consommateur, la rareté se fait déjà sentir à travers la flambée des prix de la sardinelle sur les plages. En effet, « pour répondre à la demande croissante, les usines de production de farine doivent se tourner vers le poisson frais, en particulier la sardinelle, pêché par des navires industriels et artisans armés à cet effet. Ainsi, la production de farine est un concurrent potentiel des marchés de consommation, fragilisant la sécurité alimentaire des populations démunies d’Afrique de l’Ouest », révèle l’étude.

A cet égard, il est intéressant de rappeler “La Déclaration de Malabo sur la Croissance et la transformation accélérées de l’agriculture en Afrique pour une prospérité partagée et de meilleures conditions de vie, adoptée par les pays membres de l’Union africaine en 2014”. Cette déclaration est un engagement de la part de tous les pays africains d’éliminer la faim sur le continent d’ici 2025. Les actions et engagements proposés cherchent à mettre un terme définitif à la faim tout en sauvegardant l’environnement et en améliorant les modes de subsistance des plus vulnérables.

Quid des répercussions sur les emplois ?

Toujours, selon les résultats de l’étude, la filière de la farine se développe au détriment des emplois en pêche artisanale, et surtout chez les femmes transformatrices et les mareyeurs qui fournissent ces petits pélagiques pour la consommation locale et régionale.

Par ailleurs, les informations tirées des études faites sur “L’Afrique et le dividende démographique” renseignent que : « Entre 2000 et 2050, la taille de la population en Afrique en âge de travailler devrait croître de 442 à 1400 millions. »

Pour faire face à la forte croissance démographique, « les pays africains doivent développer les sous-secteurs de l’économie qui nécessitent une main d’œuvre importante et permettent la création d’emplois mieux rémunérés de sorte qu’une croissance économique et une réduction de la pauvreté aient lieu » : c’est le cas de la pêche artisanale.

L’enquête de l’APRAPAM rapporte que « les usines de production de farine rejettent des déchets toxiques dans la mer. D’autre part, la fumée épaisse dégagée par les usines pollue l’air et est un danger pour la santé publique. Cette fumée est à l’origine de nombreuses pathologies telles que l’allergie, l’asthme et les affections respiratoires, en particulier chez les enfants et chez les personnes atteintes de maladies chroniques ».

Il a aussi été constaté dans certains pays notamment en Mauritanie, un nombre important de malades riverains des usines, atteint d’allergies, de gastrites, de brûlures de la bouche et d’œsophagites.

Une synthèse de Aliou DIALLO

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