Sommet sur la pêche artisanale : bilan et perspectives de Rome 2024

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Du 5 au 7 juillet 2024, Rome a accueilli le deuxième Sommet sur la pêche artisanale, un événement marquant le dixième anniversaire des Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté. Ce sommet, organisé pour évaluer l’état actuel de la mise en œuvre de ces directives et planifier les actions futures, a rassemblé plus 300 participants, dont des représentants de communautés de pêcheurs, d’organisations non gouvernementales, de gouvernements et d’autres parties prenantes.

L’ambiance du sommet était empreinte de la joie et de la détermination. Les participants, venus des quatre coins du monde, ont partagé leurs expériences et leurs défis, créant une atmosphère de solidarité et d’engagement collectif. Les échanges passionnés et les discussions approfondies ont mis en lumière l’importance de la collaboration pour faire avancer les objectifs communs de durabilité et de justice sociale dans la pêche artisanale.

Discours du président de la CAOPA

Lors de l’ouverture du sommet, Gaoussou Gueye, président de la CAOPA (Confédération africaine des organisations de la pêche artisanale), a prononcé un discours poignant en hommage à Chandrika Sharma, ancienne Secrétaire exécutive du Collectif international d’appui à la pêche artisanale, disparue tragiquement en 2014. M. Gueye a rappelé l’importance des directives pour la pêche artisanale durable, adoptées grâce aux efforts inlassables de Mme Sharma et de milliers de pêcheurs artisans.

Gaoussou GUEYE, président de la CAOPA
Gaoussou GUEYE, président de la CAOPA

Le plus grand hommage que nous pouvons rendre à Chandrika est de nous battre, nous les hommes et les femmes de la pêche artisanale, tous ensemble, afin que ces directives soient mises en œuvre dans nos pays et permettent d’améliorer nos conditions de vie et de travail.”

Gueye a également souligné les défis urgents auxquels sont confrontées les communautés de pêche artisanale, notamment le changement climatique, la surexploitation des ressources et les pressions exercées par d’autres secteurs de l’économie bleue. Il a insisté sur la nécessité d’adopter des approches participatives et transparentes pour la gestion des zones marines protégées et la reconnaissance des droits fonciers coutumiers des pêcheurs.

Antonia Adama Djalo, vice-présidente de la CAOPA, a pris la parole pour aborder les impacts des Directives volontaires sur les droits fonciers coutumiers et le développement social. Elle a mis en évidence les défis spécifiques rencontrés par les femmes dans le secteur de la pêche artisanale, notamment en matière d’accès à la terre et aux ressources.

Les zones littorales sont devenues des lieux de convoitise des promoteurs, et les femmes sont souvent expulsées de leurs lieux de travail. La CAOPA a jugé nécessaire d’organiser un atelier de réflexion sur ce cas précis.”

Mme Djalo a également insisté sur l’importance de la participation active des communautés de pêcheurs dans les processus décisionnels, ainsi que sur la nécessité de garantir des conditions de travail décentes et l’accès à la sécurité sociale pour tous les travailleurs de la pêche artisanale.

Cependant, elle a déploré le fait que les femmes soient souvent confrontées à des défis tels que l’expulsion de leurs lieux de travail et la marginalisation dans l’accès aux ressources. Mme Djalo a appelé à des efforts communs pour assurer l’équité et la protection des droits de tous.

Délégués CAOPA SSF Summit 2024De gauche à droite: Raissa, Adama et Gamal
Délégués CAOPA SSF Summit 2024/de gauche à droite : Raissa Madou Leka NADEGE (Côte d’Ivoire), Adama Antonià DJALO (Guinée-Bissau) et Gamal Ahmed Mouctar (Madagascar)

Enfin, elle a encouragé l’adoption d’une approche précautionnaire pour prévenir la surexploitation et protéger les habitats critiques. 

Cette expérience a été extrêmement enrichissante pour moi, notamment grâce aux échanges d’expériences et aux bonnes pratiques partagées concernant les  Directives volontaires de la pêche artisanale”, a souligné Gamal Mohamed Mouctar, de Madagascar. 

Lors de ce sommet, explique-t-il, “nous avons abordé des moyens de résoudre les problèmes liés aux droits fonciers dans la pêche artisanale, particulièrement à travers des travaux de groupe”.

Il a déclaré que cette participation l’a permis de mieux comprendre les défis et les opportunités dans le secteur de la pêche artisanale, et il se dit déterminé à appliquer ces connaissances pour améliorer leur pratique à Madagascar.

Raissa Madou Leka Nadège membre de la cellule jeune de la CAOPA, apporte une perspective critique et constructive. Elle souligne que dix ans après la mise en place des Directives Volontaires (DV), leur mise en œuvre reste encore problématique dans plusieurs pays. Raissa insiste sur l’urgence pour les acteurs du projet de parler d’une seule voix pour avancer de manière cohérente et efficace. Elle appelle à une meilleure coordination et à une mobilisation accrue pour surmonter les obstacles persistants et réaliser les objectifs fixés.

Intervention de Djalikatou Cherif Haïdara

Djalikatou Cherif Haïdara, aussi membre de la cellule jeune de la CAOPA, a partagé ses réflexions sur les droits coutumiers et le développement social lors de la première journée du sommet. Elle a souligné l’importance de la solidarité et du partage des expériences pour renforcer les mouvements des pêcheurs et défendre leurs droits.

Djalikatou Cherif Haïdara

Cette journée nous a offert l’opportunité de mieux nous connaître, créant un espace de solidarité où nous avons pu partager nos luttes et nous soutenir mutuellement. Cela nous a donné la force de nous rassembler et d’unifier nos efforts pour défendre nos droits.

Mme Haïdara a également évoqué les défis posés par les nouvelles initiatives de développement océanique, telles que l’aquaculture et le tourisme, qui menacent les droits coutumiers des pêcheurs artisans et provoquent des conflits sur les territoires côtiers.

Points clés 

Les discussions au sommet ont permis de mettre en avant plusieurs points clés et recommandations pour renforcer la mise en œuvre des Directives sur la pêche artisanale :

Reconnaissance et protection des droits fonciers coutumiers :

   – Les pratiques et les territoires de pêche traditionnels doivent être protégés contre les menaces de l’industrialisation et de l’exploitation commerciale.

   – Les zones désignées pour la transformation du poisson sont essentielles pour assurer un travail efficace et sans conflits. Les droits fonciers des femmes dans la transformation du poisson doivent être reconnus et protégés.

Participation des communautés :

   – Il est crucial que les communautés de pêcheurs soient impliquées dans les processus décisionnels concernant la gestion des ressources. Cette participation active permet de défendre les droits des pêcheurs et d’assurer une gestion durable des ressources.

   – La reconnaissance de la valeur de la sagesse ancestrale et de l’organisation sociale culturelle dans la pêche artisanale est essentielle pour une gestion efficace des pêches.

Développement social et travail décent :

   – Les Directives insistent sur la nécessité de promouvoir le développement social et d’assurer des conditions de travail décentes pour tous les travailleurs de la pêche artisanale. Cela inclut l’accès à des services de santé, à l’éducation et à des conditions de travail sûres et équitables.

  – L’accès à la sécurité sociale et aux services financiers, tels que les banques de crédit et d’épargne, est crucial pour garantir la stabilité et le bien-être des travailleurs de la pêche artisanale.

Approche précautionnaire :

   – Adopter une approche précautionnaire signifie prendre des mesures pour protéger les ressources marines même en l’absence de certitude scientifique complète. Cela permet de prévenir la surexploitation et de protéger les habitats critiques.

Économie bleue et conflits d’intérêts :

   – Les nouvelles initiatives de développement océanique au nom de l’économie bleue doivent être examinées de manière transparente et participative pour éviter les conflits et protéger les droits des pêcheurs artisanaux.

   – Les gouvernements doivent mettre en place des mécanismes transparents pour la résolution des conflits entre les utilisateurs des espaces maritimes et garantir que les projets d’exploitation des ressources océaniques ne nuisent pas aux communautés côtières.

SSF Summit 2024 J1

Le Sommet 2024 sur la pêche artisanale a été un événement riche en échanges et en apprentissages. Il a permis de mettre en lumière les défis et les opportunités pour les communautés de pêche artisanale à travers le monde.

Les interventions des membres de la CAOPA ont souligné l’importance de la solidarité, de la participation active et de la reconnaissance des droits coutumiers pour assurer la durabilité et la justice sociale dans le secteur de la pêche artisanale.

En célébrant le dixième anniversaire des Directives volontaires, le sommet a rappelé que, bien que des progrès aient été réalisés, il reste encore beaucoup à faire pour garantir que ces directives soient pleinement mises en œuvre et connues au sein des communautés de pêche artisanale. La route est encore longue, mais les discussions et les recommandations formulées lors de ce sommet offrent un cadre solide pour avancer vers un avenir plus équitable et durable pour les pêcheurs artisans du monde entier.

Mamadou Aliou DIALLO, de retour de Rome

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