Le président de la plateforme des acteurs non étatiques pour la pêche et de l’aquaculture en Afrique, s’est exprimé le jeudi 23 mai 2024, lors du séminaire intitulé “Entreprises de pêche ayant des investissements et des activités dans des pays tiers non membres de l’UE: études de cas en Afrique“.
Cet événement, organisé au siège de Brot für die Welt (Pain pour le monde) à Berlin, visait à examiner les activités et les investissements des entreprises de pêche dans les pays africains.
La session, présidée par Mme Vanya Vulperhost, comprenait des études de cas spécifiques sur les sociétés mixtes et la valeur des petits pélagiques en Afrique de l’Ouest, en mettant en lumière les défis et les opportunités liés à ces collaborations.
Gaoussou Gueye, a présenté le point de vue des pêcheurs africains sur les sociétés mixtes et les synergies avec les accords de partenariat pour une pêche durable (APPD). Son intervention a abordé les impacts des sociétés mixtes sur les écosystèmes marins et les communautés de pêche artisanale. Il a aussi souligné l’importance d’intégrer la question des bénéficiaires effectifs dans la législation supranationale, telle que la loi OHADA, et a appelé à une collaboration internationale renforcée pour promouvoir une gestion durable des ressources halieutiques en Afrique.
Depuis plus de 70 ans, de nombreux pays africains ont encouragé la création de sociétés mixtes de pêche avec des compagnies étrangères, qu’elles soient coréennes, russes, européennes, turques, ou plus récemment chinoises. Cette initiative visait à développer la capacité de pêche industrielle des pays africains.
Cependant, l’absence de connaissance approfondie des écosystèmes marins et des ressources halieutiques, couplée à un manque de données sur les besoins des communautés de pêche artisanale, a conduit à des conséquences souvent désastreuses.
Les bénéficiaires réels : Un enjeu de transparence
La problématique des bénéficiaires effectifs des navires de pêche opérant sous pavillon africain est cruciale. Dans de nombreux cas, des navires d’origine étrangère sont enregistrés sous des sociétés locales qui ne sont que des boîtes postales. Cela crée des sociétés mixtes « de façade », sans véritable contrôle local, contournant les législations exigeant une participation majoritaire des ressortissants locaux. Ce manque de transparence non seulement nuit à la gouvernance des ressources halieutiques, mais facilite également des pratiques frauduleuses, comme la sous-déclaration des tonnages de pêche, aggravant ainsi la surexploitation des ressources marines.
L’exemple de l’Espagne, qui a partagé les informations sur les propriétaires des bateaux opérant en sociétés mixtes, montre la voie à suivre. Il est impératif que tous les pays européens, sous l’égide de l’Union européenne, adoptent des approches similaires de transparence. De plus, il est essentiel de promouvoir cette transparence à l’échelle internationale, en vue de créer un registre public des propriétaires bénéficiaires des navires opérant dans les eaux africaines.
La Loi OHADA et les sociétés mixtes
L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) ne prend pas en compte la question des bénéficiaires effectifs dans ses textes relatifs à la constitution de sociétés mixtes. Cette lacune législative permet la création de sociétés écrans qui dissimulent les véritables propriétaires étrangers. Pour assurer une gestion durable et équitable des ressources halieutiques, il est crucial que la loi OHADA intègre des dispositions relatives à la transparence des bénéficiaires effectifs.
L’importance d’une recherche halieutique et d’un cadre réglementaire approprié
Il est fondamental de réaliser des investissements substantiels dans la recherche halieutique pour évaluer l’état des ressources marines avant d’octroyer des licences de pêche. Une gestion prudente et informée des ressources halieutiques est nécessaire pour éviter la surexploitation et protéger les écosystèmes marins. Les autorités responsables de l’immatriculation des bateaux de pêche doivent tenir compte de l’état des ressources avant de délivrer des autorisations.
En outre, il est essentiel de développer un cadre réglementaire en concertation avec les différentes administrations concernées, les parties prenantes, notamment les pêcheurs artisanaux, pour revoir les règles de constitution et d’opération des sociétés mixtes de pêche. Ce cadre devrait garantir que les bateaux opérant en sociétés mixtes le fassent de manière transparente, sans contribuer à la surexploitation des ressources ni à la destruction des écosystèmes.
Un soutien international pour une gouvernance durable
L’Union européenne, dans le cadre de son partenariat avec l’Afrique, s’est engagée à encourager une meilleure gouvernance des océans et le développement d’une pêche durable. Les accords de partenariat pour une pêche durable contiennent des clauses favorisant la création de sociétés mixtes. Ces accords peuvent servir de plateforme pour discuter des conditions à respecter lors de la création de sociétés mixtes, assurant leur conformité aux critères de durabilité.
La collaboration active entre le Comité Consultatif de la Pêche (LDAC) et Afrifish pourrait également informer les décideurs africains sur les meilleures pratiques en matière de pêche durable. Les initiatives comme l’Initiative de Transparence dans la Pêche (FiTI), déjà adoptée par certains pays africains, montrent la voie à suivre.
Il est impératif de réformer les cadres législatifs et réglementaires pour intégrer la transparence des bénéficiaires effectifs et garantir une gestion durable des ressources halieutiques. Les acteurs internationaux, en particulier l’Union européenne, peuvent jouer un rôle crucial en soutenant ces réformes à travers des partenariats et des actions de plaidoyer. Une telle démarche assurerait une exploitation équitable et durable des ressources marines, bénéfique tant pour les communautés locales que pour les investisseurs étrangers.
Par Gaoussou Gueye