Sénégal : La CAOPA et ses partenaires disent NON à une aquaculture utilisant du poisson frais pour faire de la farine et de l’huile

Les rideaux sont tombés à l’atelier de la Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de la Pêche Artisanale (CAOPA) sous le thème : “Pour une aquaculture artisanale et durable complémentaire à la pêche artisanale africaine”. Tenu du 26 au 27 octobre 2022 à Saly Portudal, l’évènement a eu pour objectif d’échanger sur le développement d’une aquaculture artisanale durable, complémentaire à la pêche artisanale en Afrique.

Il a réuni une quarantaine d’experts, chercheurs, des représentants d’ONG, de gouvernements, d’organisations régionales et sous régionales, des professionnels de la pêche et de l’aquaculture artisanales, des partenaires, etc.

Salle de séminaire

 L’atelier a été organisé en mode hybride (présentiel et virtuel). L’activité a été ponctuée par des discours, des présentations power point, de partages d’expériences, des travaux en groupe, et des restitutions en plénière.

Quid du contexte ?

Le poisson, notamment les petits pélagiques jouent un rôle clé dans l’alimentation humaine, la création d’emplois, l’économie, etc. Mais l’accès à cette ressource est devenu de plus en plus préoccupant, tant pour les pêcheurs artisans que pour les consommateurs.

De nos jours, la raréfaction de la ressource se ressent au niveau du panier de la ménagère et des sites de débarquement et de transformation.

Problème !

La floraison des usines de production de farine qui utilisent le poisson frais comme matière première, notamment la sardinelle, fragilise la sécurité alimentaire des populations africaines les plus démunies.

Le président de la CAOPA a signalé qu’en Afrique de l’Ouest, « ce sont nos sardinelles, en état de surexploitation, qui sont en déperdition, transformées en farine et en huile pour l’exportation, souvent pour nourrir des poissons d’aquaculture en Norvège, en Chine ou en Turquie ».

Gaoussou Gueye souligne que « Nos sardinelles jouent un rôle clé dans l’alimentation humaine, la création d’emplois, et soutient l’économie en Afrique de l’Ouest ».

Gaoussou GUEYE, président CAOPA

Et d’ajouter qu’« il est de plus en plus difficile pour les femmes transformatrices d’avoir accès à cette matière première ».

Partenaire de la CAOPA depuis plusieurs années, le représentant de Pain Pour le Monde dit qu’il est anormal d’utiliser la base alimentaire des Africains pour nourrir l’aquaculture industrielle des pays développés.

Francisco Mari déclare : « (…) Depuis quelques années, les usines de farine et d’huile de poisson sont venues faire la concurrence déloyale aux pêcheurs artisans, surtout aux femmes transformatrices. Elles utilisent les petits pélagiques pour transformer en farine afin de produire des saumons, des crevettes pour le marché européen ».

Selon lui, la Norvège est le plus grand producteur de Saumones en Europe. Aujourd’hui, explique M. Mari, « ils sont en train de voir d’autres condiments nutritifs pour l’élevage des saumons, comme les insectes pour nourrir le poisson. Car pour nous, il n’y a pas de nécessité pour les pays industrialisés d’avoir des poissons à base de l’aquaculture. À notre avis, il faut réduire, voire interdire l’aquaculture à base de la farine de poisson. Ce n’est pas juste que notre aquaculture soit nourrie à base de l’aliment des Africains. Nous mangeons indirectement de la nourriture des Africains par notre aquaculture ».

Francisco Mari, PPM

Francisco assure que c’est pour cette raison qu’ils soutiennent les efforts des gouvernements et des professionnels pour arrêter cette base d’aquaculture.

Au nom de la FAO, Mme Lena WESTLUND de la Division des pêches et de l’aquaculture, notamment la pêche artisanale et mise en œuvre des Directives volontaires pour assurer la viabilité des pêches à petite échelle dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté, a indiqué que la stratégie de la FAO pour des systèmes alimentaires aquatiques durables s’appelle la Transformation bleue et couvre les trois principaux domaines que sont la pêche de capture, l’aquaculture et les chaînes de valeur de la pêche.

Mme Lena WESTLUND

« Elle comprend un certain nombre d’actions prioritaires parmi lesquelles on trouve la nécessité de faciliter le développement des compétences organisationnelles, techniques et commerciales des petits producteurs d’aliments, de leurs organisations et de leurs institutions pour une participation équitable et efficace aux processus décisionnels, à la gestion des ressources et au développement de la chaîne de valeur », expliqué Mme Westlund.

Pour assurer la durabilité dans toutes les dimensions et un développement équitable et inclusif, elle affirme que la participation des personnes les plus concernées est essentielle et cette réunion constitue donc une occasion importante de permettre une discussion ouverte et franche.

Le Dr Tening SENE, Directrice Générale de l’Agence Nationale de l’Aquaculture (ANA) du Sénégal a présidé, l’ouverture de l’atelier.

Le Dr SENE déclare que : « L’aquaculture et la pêche artisanale durables, constituent un levier important pour contribuer à la sécurité alimentaire en Afrique. Ce, grâce à leur position stratégique dans le développement socio-économique ».

‘Nouveau départ pour l’Afrique’

Dr Tening SENE, Directrice Générale de l’Agence Nationale de l’Aquaculture

La directrice de l’ANA affirme qu’au Sénégal, la pêche artisanale représente environ 80% des débarquements et contribue à la création de revenus et de richesses, d’emplois, la commercialisation, l’approvisionnement en produits halieutiques pour la consommation des populations, etc.

Elle assure qu’il est donc urgent d’adopter des pratiques accessibles et durables en Afrique par rapport à la pêche artisanale et l’aquaculture.

Mme SENE a tenu à informer les participants que le Sénégal dispose depuis le 15 avril 2022, de la Loi N°2022-06, portant Code de l’Aquaculture qui a pour objet de réglementer la pratique de l’activité aquacole.

Avant de prendre congé, le Dr Tening SENE a souhaité « un nouveau départ pour l’Afrique dans la gestion et la production de produits halieutiques conformément au concept de la transformation bleue et que l’aquaculture soit une alternative durable et complémentaire à la pêche artisanale. »

Quid de la surexploitation des ressources halieutiques ?

Le ministre de la pêche et de l’Économie Bleue de Madagascar est intervenu en ligne. Le Dr Tsimanaoraty Paubert MAHATANTE a évoqué les enjeux et les défis de la pêche et de l’aquaculture artisanales au niveau mondial, africain et malgache.

Parlant de la surexploitation de la ressource, il a soutenu qu’il y a 4,56 millions de bateaux dans le monde qui sont à la source de la surpêche dans le monde. Cette ressource est « exacerbée par les divers problèmes de changement climatique, de la pêche INN (pêche illégale, non déclarée, non réglementée) à laquelle nous sommes tous confrontés. Elle met également en risque la durabilité de la pêche et compromet la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale », explique le ministre.

Pour trouver une solution à cette situation, il préconise : « Comme c’est un problème mondial, ça nécessite une réponse globale ».

Quid des résultats ?

À la fin des 48 heures des travaux de partage d’informations et d’expériences, le directeur technique de l’ANA a rassuré que : « notre objectif est largement atteint ». Ce qui permet à M. Abdoulaye NIANE de faciliter et de remercier tous participants pour leurs ‘excellentes contributions’.

Selon lui, cet atelier a été l’occasion pour tous les participants, de mieux connaître les enjeux liés à la pêche et à l’aquaculture artisanales.

Abdoulaye NIANE

« Nous étions gratifiées de belles présentations, de beaux et riches témoignages qui ont permis d’aboutir à des recommandations fortes pour une meilleure contribution de la pêche et aquaculture artisanales », a conclu M. NIANE.

Comme recommandations formulées « Pour une aquaculture artisanale durable, complémentaire à la pêche artisanale africaine », on cite entre autres :

Développer des stratégies de substitutions de la farine de poisson dans l’alimentation des poissons ;

Harmoniser et réglementer l’activité aquacole avec une segmentation des différents maillons de la chaîne ;

Encourager et vulgariser la pisciculture familiale hors sol intégré à d’autres activités de production végétale et animale ;

Renforcer les capacités techniques des acteurs de la pêche de l’aquaculture artisanales ;

Par Aliou DIALLO

caopacom@gmail.com

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