L’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), qui se réunit à Kingston (Jamaïque) du 18 au 29 juillet, va chercher à proposer une réglementation pour l’exploitation minière en eaux profondes dans le monde entier. Si elle est adoptée, les opérations minières pourraient être autorisées d’ici l’année prochaine.
Le réseau LMMA (Locally Managed Marine Areas) et la CAOPA (Confédération Africaine des Organisations professionnelles de Pêche artisanale), représentant les communautés de pêcheurs artisans d’Afrique et du Pacifique souhaitent réaffirmer que l’exploitation minière en eaux profondes, comme d’autres activités polluantes et destructrices promues dans le cadre de l’économie bleue, ne doit pas être autorisée ou soutenue dans les circonstances actuelles car elle met en péril l’avenir des communautés côtières. En particulier, nos zones de pêche, nos ZEE, sont trop précieuses pour être un jour exposées aux risques posés par l’exploitation minière en eaux profondes.
Même si l’exploitation commerciale en eaux profondes n’a commencé nulle part dans le monde, des contrats d’exploration ont été accordés par l’ISA à plus de 20 entreprises dans les océans Atlantique, Indien et Pacifique. Compte tenu des impacts potentiels de ces opérations, qui provoquent déjà une “peur bleue” parmi nos communautés de pêcheurs, nous appelons les gouvernements à ne pas sacrifier l’avenir de nos communautés de pêcheurs. En effet, en Afrique, les pêcheurs artisans continentaux ont déjà été confrontés à la ruine en raison de la pollution causée par les activités minières fluviales. Nous ne voulons pas que nos communautés côtières connaissent le même sort.
Dans le Pacifique, des experts ont récemment examiné les impacts de l’exploitation minière des nodules de manganèse en eaux profondes, et ont conclu que cela aura des impacts graves et durables sur les fonds marins exploités et les espèces qu’ils abritent, et pourrait poser des risques importants pour les écosystèmes marins plus largement. Ils ont souligné que les impacts potentiels sur les pêcheries, les communautés et la santé humaine sont largement inconnus et présentent donc des risques. Ils ont constaté que la relation des populations insulaires du Pacifique avec l’océan n’est pas bien intégrée dans les discussions sur l’exploitation des nodules et que les impacts sociaux et culturels doivent encore être explorés de manière significative. Enfin, les avantages sociaux et économiques sont discutables, notamment lorsqu’ils sont comparés aux avantages sociaux, économiques et nutritionnels de la pêche.
En outre, au début de ce mois, une analyse réalisée par des scientifiques américains, publiée dans la revue Science, a révélé que le bruit d’une seule mine en eaux profondes pouvait parcourir 500 km sous l’eau. Cela pourrait avoir un impact sur le comportement de diverses espèces de poissons, y compris sur les schémas migratoires d’espèces comme le thon, dont certaines de nos communautés de pêcheurs dépendent pour leur subsistance, et qui est si important pour les économies de nombreux pays en développement.
Au cours de la conférence des Nations unies sur les océans qui s’est tenue à Lisbonne et à laquelle nos organisations ont participé, les représentants des pays du Pacifique (Palau, Fidji, Samoa, Tuvalu et îles Salomon) ont fait valoir que l’exploitation minière en eaux profondes devait être découragée dans toute la mesure du possible, car elle compromet l’intégrité de l’habitat océanique. Ces derniers jours, ils ont été rejoints par les pays comme le Chili, le Costa Rica et la France, qui, comme les Fidji, siègent au Conseil de l’ISA. Nous soutenons leur position : les fonds marins, leurs divers écosystèmes, les communautés côtières qui dépendent de ces écosystèmes ne devraient pas être exposés aux impacts destructeurs et polluants de l’exploitation minière en eaux profondes.
Les pays sont prêts à décider du sort de l’exploitation minière en eaux profondes, à huis clos, lors de la réunion de l’ISA à Kingston. Nous espérons qu’ils écouteront les utilisateurs les plus nombreux de l’océan, les communautés de pêcheurs artisanaux, plutôt que les sociétés minières désireuses de racler les fonds marins, situés à cinq ou six mille mètres de profondeur, à la recherche de manganèse, de cobalt, de nickel et d’autres matériaux utilisés pour fabriquer les batteries des véhicules électriques.
Si elle est autorisée, l’exploitation minière en eaux profondes rapportera certainement des millions de dollars à ces entreprises, mais elle détruira également les écosystèmes et les moyens de subsistance de nos populations.
Gaoussou Gueye Alifereti Tawake
Président CAOPA Président LMMA