En marge de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26), le président de la Confédération Africaines des organisations Professionnelles de la Pêche Artisanale (CAOPA), M. Gaoussou GUEYE a fait une déclaration sur le chalutage. Déclaration dans laquelle il a dénoncé les impacts du chalutage de fond réservée à la pêche artisanale africaine.
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Mbour (Sénégal), le 08 novembre 2021
“La côte africaine, – notre maison, notre lieu de travail, notre garde-manger-, est en péril.
Le changement climatique, créé par les activités des pays industrialisés, érode aujourd’hui les zones côtières et emporte nos maisons.
Le changement climatique provoque des tempêtes plus nombreuses qui font courir toujours plus de risques à nos pêcheurs.
Les femmes transformatrices de poisson reviennent plus souvent de la plage avec le panier vide. Les poissons sont chaque jour moins nombreux, toujours plus petits et toujours plus chers.
Le poisson, qui depuis toujours, est notre filet de sécurité alimentaire, disparaît de l’assiette du consommateur africain.
Mais si le poisson disparaît, c’est aussi à cause de la surpêche et des pratiques de pêche destructrices, comme le chalutage de fond dans les eaux côtières africaines.
Les scientifiques nous disent que le chalutage de fond réduit la productivité des fonds marins, conduit à une perte d’habitats halieutiques essentiels et perturbe la structure et le fonctionnement des écosystèmes.
Les scientifiques nous le disent, mais nous, pêcheurs artisans africains, nous voyons tous les jours les dégâts des chalutiers de fond industriels dans nos zones de pêche.
Dans certains pays africains, nous voyons même des chalutiers toutes les nuits venir pêcher illégalement, tous feux éteints, à quelques miles des plages.
Les communautés de pêcheurs artisans, du Congo au Sénégal, du Kenya à Madagascar, dénoncent amèrement des collisions quotidiennes, parfois meurtrières, avec ces chalutiers qui pêchent illégalement dans la zone réservée à la pêche artisanale.
Les engins lourds déployés par ces bateaux, détruisent les filets des pêcheurs artisans et les propriétaires acceptent rarement de les indemniser.
Personnellement, je ne connais aucun chalutier de fond industriel qui ait été construit dans un pays tropical africain.
Tous les chalutiers que nous voyons dans nos eaux viennent de Chine, de Russie, d’Europe, de Corée. Ils rentrent dans nos eaux côtières réputées riches en poisson grâce à différents arrangements avec nos autorités – des affrètements, des re-papillonnements de façade à travers des sociétés mixtes, ou encore des accords de pêche.
Sauf exception, les communautés de pêche artisanale africaines qui dépendent de la pêche pour vivre ne sont jamais consultés, ni même informées, par nos dirigeants avant de faire venir ces bateaux qui souvent ne respectent pas les règles.
Au Liberia, des chalutiers espagnols, re-pavillonnés au Sénégal, pillent les ressources de crevette profonde dans la zone de pêche artisanale, sous le prétexte d’une pêche expérimentale.
Au Sénégal, les chalutiers d’origine étrangère re-pavillonnés refusent systématiquement d’embarquer un observateur à bord.
En Côte d’Ivoire, la plupart des chalutiers côtiers nationaux sont d’origine chinoise, pavillonnés ou affrétés localement. Ces chalutiers pêchent de façon non sélective, détruisent l’environnement côtier fragile, ne respectent pas les périodes de repos biologiques, et maltraitent leurs équipages.
Au non-respect de la nature se joint le non-respect des êtres humains.
Aujourd’hui, nos communautés de pêche artisanale africaine se battent pour leur survie. Non seulement nous devons faire face à la crise provoquée par le Covid-19 et les restrictions qui ont été prises, mais nous devons aussi faire face aux conséquences, sur nos océans, des catastrophes provoquées par la cupidité de l’être humain, que ce soit la surpêche, les impacts du changement climatique ou encore l’exploitation pétrolière offshore.
Nous survivrons à tout cela, nous adapterons nos maisons, nos saisons de pêche, notre mode de vie.
En 2022, c’est l’Année internationale de la Pêche et de l’Aquaculture artisanales, décrétée par les Nations unies. Ce sera l’occasion pour que nos décideurs montrent qu’ils ont pris pleinement conscience de l’importance de la pêche artisanale pour l’emploi, la sécurité alimentaire, le maintien de communautés côtières dynamiques, imprégnées de la culture des gens de mer.
L’une des priorités de l’organisation que je préside, la Confédération africaine des organisations professionnelles de pêche artisanale, la CAOPA, c’est de demander à nos gouvernements des droits exclusifs d’accès à la zone côtière pour la pêche artisanale africaine. Dans les pays côtiers africains, cela signifie faire sortir tous les chalutiers de la zone côtière.
Nous voulons également que l’entièreté de cette zone côtière soit gérée avec les communautés de pêcheurs. L’écosystème côtier est notre maison, qui peut mieux que nous peut garder cette maison en bon état, avec de bons outils.
Un de ces outils, c’est la surveillance participative.
Il y a quelques années, en Guinée, les pêcheurs avaient détecté plus de 400 incursions illégales de chalutiers dans leurs zones de pêche. 12 pêcheurs avaient été blessés, perdus en mer ou décédés. Des patrouilles de surveillance par les pêcheurs artisans dans la zone ont permis de diminuer par 4 le nombre d’infractions enregistrées.
Un autre de ces outils, ce sont des aires marines protégées, mais seulement si elles sont mises en place et gérées par les communautés locales, et qu’elles s’inscrivent dans une dynamique de co-gestion de la zone côtière par les communautés de pêcheurs.
Nous ne voulons plus dans cette zone côtière de pratiques de pêche qui détruisent les écosystèmes côtiers fragiles dont nous dépendons pour vivre.
Un chalutier de fond industriel qui pêche à quelques miles de la côte dans un pays tropical africain, c’est un éléphant dans un magasin de porcelaine. Nous ne pouvons plus l’accepter.
Je vous remercie”.
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Gaoussou GUEYE, président de la Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de la Pêche Artisanale (CAOPA)