Le mardi 9 juillet, dans la salle Malaysia Room de la FAO à Rome, s’est tenu un échange de vues informel sur les accords d’accès. Cet événement, organisé par le Madagascar et l’Allemagne, a mis en lumière les enjeux complexes et cruciaux des accords d’accès en Afrique, en se concentrant sur les attentes des États côtiers africains et des communautés de pêche artisanale. Le président de la CAOPA, Gaoussou Gueye, a présenté une analyse détaillée de la situation actuelle. Il a mis en avant les défis, les opportunités et la nécessité d’une gestion plus transparente et équitable de ces accords.
Situation actuelle en Afrique
Depuis des décennies, les pays africains autorisent l’accès de leurs eaux à des flottes de pêche industrielles étrangères par divers moyens, tels que des accords bilatéraux, des licences libres ou des sociétés mixtes. Malheureusement, ces arrangements ont souvent été négociés sans une connaissance approfondie des écosystèmes marins, des ressources halieutiques ou des besoins des communautés locales. M. Gueye a souligné que cette ignorance a conduit à des impacts négatifs significatifs, tels que la destruction des écosystèmes côtiers, la surexploitation des ressources et la compétition déloyale avec la pêche artisanale locale.
“Le manque d’information aurait dû encourager nos pays, les pays de pêche lointaine et leurs flottes à la plus grande prudence. Malheureusement, ça n’a pas été le cas et les activités de ces flottes d’origine étrangère ont continuellement eu des impacts très négatifs pour l’avenir de nos communautés“.
Attentes des États côtiers et des communautés de pêche artisanale
Les États côtiers africains et les communautés de pêche artisanale ont des attentes claires concernant les accords d’accès. Ils cherchent à maximiser les bénéfices sociaux et économiques tout en préservant les ressources et les écosystèmes. La transparence est une condition essentielle pour y parvenir. Le président de la CAOPA a critiqué le manque de transparence actuel, soulignant que de nombreux accords sont entourés “d’opacité et parfois de pratiques frauduleuses”.
“Encore aujourd’hui, il y a très peu de transparence concernant les accords d’accès. Des pas positifs ont été faits, comme par exemple la publication des textes des accords de pêche bilatéraux signés avec l’Union européenne, leurs protocoles et leurs évaluations” .
Gueye a également insisté sur l’importance de considérer les besoins spécifiques des communautés de pêche artisanale dans les négociations des accords d’accès. Il a souligné que ces communautés dépendent fortement de la pêche pour leur subsistance et leur sécurité alimentaire, et que leurs besoins doivent être intégrés dans les discussions sur l’allocation des ressources.
Réponses des pays pratiquant la pêche en eaux lointaines
Les pays pratiquant la pêche en eaux lointaines ont tenté de répondre à ces attentes de différentes manières, mais avec des résultats mitigés. Gaoussou Gueye a présenté plusieurs exemples de bonnes pratiques, comme l’engagement des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique à déclarer les bénéficiaires effectifs des navires de pêche et à tenir des registres des propriétaires réels.
“En 2022, un engagement a été pris par les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, pour prendre des mesures, en tant qu’État du pavillon ou État côtier, afin d’actualiser et mettre en œuvre une législation nationale exigeant la déclaration des bénéficiaires effectifs des navires de pêche“.
Cependant, il a aussi souligné les défis persistants, notamment le phénomène du repavillonnement, où des navires étrangers opèrent sous pavillon local sans véritable contrôle par le pays hôte. Ces pratiques peuvent mener à une exploitation non durable des ressources halieutiques et à une concurrence injuste avec les pêcheurs locaux.
Importance de la collaboration régionale
La dimension régionale est essentielle pour des accords d’accès durables. M. Gueye a mentionné l’exemple de la Convention sur les Conditions minimales d’accès de la Commission sous-régionale des pêches d’Afrique de l’Ouest (CSRP), qui harmonise les régulations et établit des conditions minimales pour gérer l’accès des flottes étrangères.
“Il est important que les pays d’une même région harmonisent leurs réglementations et s’accordent sur des conditions minimales pour gérer l’accès des flottes d’origine étrangère” .
La présentation de Gaoussou Gueye a mis en lumière l’importance d’un cadre de gestion transparent et équitable pour les accords d’accès en Afrique. Il a appelé à une meilleure intégration des besoins des communautés de pêche artisanale dans les discussions, à une plus grande transparence et à une collaboration régionale renforcée. Selon lui, la FAO est le forum le plus approprié pour fédérer ces efforts et créer les conditions d’un débat constructif entre les pays côtiers en développement et les pays de pêche lointaine.
Pour que les accords d’accès soient véritablement bénéfiques, ils doivent être fondés sur une compréhension claire des écosystèmes marins, respecter les droits et les besoins des communautés locales et être négociés de manière transparente et inclusive.
Mamadou Aliou DIALLO