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Gestion durable de la sardinelle en Afrique de l’Ouest

Saly Portudal, Sénégal – 16 et 17 septembre 2025. La Confédération Africaine des Organisations de Pêche Artisanale (CAOPA) a organisé une formation et un atelier de réflexion réunissant les acteurs clés de la pêche artisanale d’Afrique de l’Ouest. 

Objectif : renforcer les capacités des communautés et poser les bases d’une gestion durable de la sardinelle, ressource halieutique vitale mais aujourd’hui menacée.

La sardinelle, ressource stratégique pour l’Afrique de l’Ouest

Les petits pélagiques, et en particulier la sardinelle, constituent le socle de l’alimentation et de l’économie côtière en Afrique de l’Ouest.

Représentant à la fois une source essentielle de protéines, un pilier de l’emploi et un facteur de stabilité sociale, cette espèce partagée circule sans frontière entre les eaux de Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau et jusqu’à la Sierra Leone.

Mais le constat est alarmant : la surexploitation, le changement climatique et l’absence de mécanismes régionaux efficaces menacent sa durabilité. L’atelier de Saly s’est donc inscrit dans le prolongement des décisions récentes de la Commission sous-régionale des pêches (CSRP), qui a placé la gestion durable des ressources partagées au cœur de son plan stratégique 2025–2029.

Des participants venus de toute la sous-région

L’événement a rassemblé deux délégués par pays membre de la CSRP – un pêcheur et une femme transformatrice – venant de Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau, de la Guinée, de la Sierra Leone, du Cabo Verde, avec la participation du Maroc en tant qu’observateur.

Aux côtés de la CAOPA, plusieurs partenaires étaient présents : la FAO, le Partenariat Régional pour la Conservation de la zone Côtière et Marine (PRCM), la coalition pour des accords de pêche équitables (CAPE), Fauna & Flora, ainsi que des représentants d’administrations nationales et de radios communautaires.

Les objectifs de la formation

Au cœur de la rencontre, plusieurs axes stratégiques :

Renforcer les capacités des communautés de pêche artisanale pour participer pleinement aux processus décisionnels.

Évaluer les mesures de gestion de la sardinelle déjà mises en œuvre par les pays membres.

Réfléchir à la mise en place de commissions mixtes transfrontalières entre pays voisins pour prévenir les conflits et harmoniser les pratiques.

Formuler des recommandations communes pour ancrer une gouvernance régionale participative au sein de la CSRP.

Une gouvernance collective indispensable

Coumba Ndoffène Diouf, représentant du ministère des pêches et de l’économie maritime du Sénégal

Pour Coumba Ndoffène Diouf, représentant du ministère des pêches et de l’économie maritime du Sénégal, la clé de la réussite réside dans l’action collective :
« Les petits pélagiques sont des stocks partagés. Si un pays agit seul, ses efforts restent vains car les ressources circulent entre nos eaux. Cela justifie pleinement la nécessité d’une gouvernance régionale. Nous devons dépasser nos divergences et unir nos forces, puisque la survie de nos économies et de nos communautés en dépend. »

Il a rappelé que les États ont la responsabilité de transformer cette mobilisation en décisions concrètes, avec un plaidoyer fort au niveau des pouvoirs publics.

Des interventions fortes et sans détours

Lors de la clôture, plusieurs intervenants ont marqué les esprits par des propos clairs et sans concessions.

Pour Gaoussou Gueye, président de la CAOPA, l’avenir de la pêche artisanale passe par la vérité et la responsabilité :
« Il faut collaborer avec la recherche, l’administration et même les juristes pour renforcer nos arguments. Nous devons avoir le courage de dire la vérité à nos communautés. Si nous voulons une gestion durable, nous devons rompre avec les mauvaises pratiques et assumer nos responsabilités. »

Juan F. L. Sanchez, représentant de Fauna & Flora, a rappelé l’importance de la synergie entre acteurs :
« Ce projet vise à soutenir les pêcheurs artisans et à créer des synergies entre les différentes parties prenantes. Nous sommes là pour vous appuyer, mais c’est vous qui avez les voix et la force pour changer les choses dans la région. »

Dr Moustapha Kebe, du PRCM
Dr Moustapha Kebe, du PRCM

De son côté, Dr Moustapha Kebe, du PRCM, a mis en avant la nécessité d’une unité régionale et d’une transparence accrue :
« Quand nous parlons séparément, nous ne sommes pas entendus. Nous devons parler d’une seule voix pour être considérés par les États et les autres partenaires. La transparence, à la fois au niveau des professionnels et des gouvernements, est la clé. »

Durabilité, sécurité alimentaire et intégration régionale

Les discussions ont couvert un large éventail de thématiques, toutes liées à la durabilité de la sardinelle et aux moyens de renforcer la résilience des communautés :

Gestion durable des ressources halieutiques : quotas de pêche, zones réservées à l’artisanat, contrôle renforcé des permis.

Sécurité alimentaire : valoriser la sardinelle localement plutôt que de l’exporter brut, afin de renforcer la disponibilité et l’emploi.

Développement local : création d’infrastructures modernes pour le débarquement, la transformation et la commercialisation.

Adaptation au changement climatique : appuyer les communautés par la formation et l’accès à des financements adaptés.

Intégration régionale : la pêche artisanale comme levier d’unité en Afrique de l’Ouest, au-delà des frontières et des divergences nationales.

Une importance stratégique pour les communautés locales

Gaoussou GUEYE, président de la CAOPA - 2025
Gaoussou GUEYE, président de la CAOPA – 2025

Au-delà des aspects techniques, la rencontre a mis en lumière le rôle fondamental de la sardinelle dans la stabilité sociale des pays côtiers. Comme l’a souligné Gaoussou Gueye :
« Il n’y a pas plus fédérateur que le monde de la pêche. Les pêcheurs se déplacent d’un pays à un autre. L’intégration africaine peut passer par la pêche artisanale. »

Ce lien entre pêche artisanale, emploi et sécurité alimentaire a été au centre des débats, rappelant que la durabilité de la ressource conditionne directement le bien-être de millions de familles.

Des perspectives et engagements concrets

La rencontre de Saly ne s’est pas limitée à un diagnostic : elle a débouché sur des engagements et perspectives clairs.

Création prochaine de commissions mixtes transfrontalières pour gérer collectivement la sardinelle entre pays voisins.

Déclaration commune des organisations de pêche artisanale destinée à être portée auprès de la CSRP et des États membres.

Renforcement du plaidoyer régional pour que la voix des pêcheurs artisans, des femmes transformatrices et des communautés soit intégrée dans toutes les décisions.

Volonté affirmée de promouvoir la transparence et la responsabilité à tous les niveaux, des organisations communautaires aux gouvernements.

Une étape clé pour la gouvernance régionale des pêches

En réunissant les pêcheurs artisans, les femmes transformatrices, les administrations et les partenaires techniques, l’atelier de la CAOPA a permis de poser les bases d’une gouvernance plus inclusive et durable de la sardinelle dans l’espace CSRP.

Les propos des intervenants ont souligné la nécessité d’une rupture avec les mauvaises pratiques, d’un engagement en faveur de la transparence et d’une unité régionale forte pour protéger une ressource vitale.

Si les recommandations de Saly se traduisent en actions concrètes, cette rencontre pourrait bien marquer un tournant historique dans la gouvernance des pêches en Afrique de l’Ouest.

Mamadou Aliou DIALLO

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