La gestion durable des ressources halieutiques en Afrique de l’Ouest, notamment les stocks partagés comme la sardinelle, est cruciale pour la sécurité alimentaire et le développement économique de la région. La Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de la Pêche Artisanale (CAOPA) s’active pour mettre en place des commissions mixtes dans différents pays, incluant le Sénégal, la Mauritanie, la Gambie et la Guinée-Bissau, pour améliorer la gestion de ces ressources.
Cet article explore les perspectives et les défis de ce plan d’aménagement sous-régional, en mettant l’accent sur les critères de durabilité, de coopération régionale et de participation des communautés locales.
Importance de la gestion sous-régionale
La pêche artisanale en Afrique de l’Ouest représente une source essentielle de protéines et de revenus pour des millions de personnes. Les petits pélagiques, comme les sardinelles, sont particulièrement importants pour la sécurité alimentaire des populations côtières. Cependant, la surexploitation des ressources, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), et les impacts des changements climatiques menacent la durabilité de ces stocks.
La Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) offre un cadre juridique pour la gestion des ressources marines, mais elle a ‘’largement’’ négligé la pêche artisanale. La mise en place de commissions mixtes pour la gestion des stocks partagés vise à combler cette lacune en promouvant une gestion concertée et durable des ressources halieutiques.
Rétrospectives
Lors de la réunion du Comité des Pêches de la FAO à Rome en 2011, la CAOPA a plaidé pour une gestion régionale des petits pélagiques, soulignant la nécessité de donner la priorité à la pêche artisanale durable. Grâce à ces efforts, la CAOPA a réussi à attirer l’attention de la FAO et de la Commission Sous-Régionale des Pêches (CSRP).
Elle a également été impliquée dans des initiatives visant à renforcer la coopération régionale. En particulier, la demande faite par la CSRP au Tribunal International du Droit de la Mer (ITLOS) de clarifier les responsabilités des États côtiers et des États de pavillon dans la lutte contre la pêche INN est un pas significatif vers une meilleure gestion des ressources halieutiques.
Objectifs des commissions mixtes
Les commissions mixtes ont pour objectif principal de garantir la conservation des ressources halieutiques tout en optimisant leur utilisation. Cela inclut l’évaluation scientifique des stocks, la mise en œuvre de mesures de gestion basées sur les meilleures données disponibles, et la promotion de pratiques de pêche durables.
Selon l’article 61 de la CNUDM, “l’Etat côtier, compte tenu des données scientifiques les plus fiables dont il dispose, prend des mesures appropriées de conservation et de gestion pour éviter que le maintien des ressources biologiques de sa zone économique exclusive ne soit compromis par une surexploitation“.
Coordination régionale
La coordination régionale est essentielle pour la gestion efficace des stocks partagés. L’article 63 de la CNUDM stipule que “lorsqu’un même stock de poissons ou des stocks d’espèces associées se trouvent dans les zones économiques exclusives de plusieurs Etats côtiers, ces Etats s’efforcent directement ou par l’intermédiaire des organisations sous-régionales ou régionales appropriées de s’entendre sur les mesures nécessaires pour coordonner et assurer la conservation et le développement de ces stocks“.
Les commissions mixtes permettront de faciliter cette coordination en harmonisant les politiques de gestion et en renforçant la coopération entre les pays.
Lutte contre la pêche INN
La pêche INN constitue une menace majeure pour la durabilité des stocks halieutiques. Les commissions mixtes joueront un rôle clé dans la lutte contre ces pratiques illégales en promouvant la surveillance participative et en facilitant la coopération entre les professionnels.
Défis et perspectives
Un des défis majeurs est la sous-estimation systématique des captures de la pêche artisanale. Cela conduit souvent à des politiques qui favorisent les flottes industrielles, au détriment des pêcheurs artisans. Les commissions mixtes devront mettre en place des systèmes de collecte de données plus précis et inclusifs pour mieux évaluer les captures réelles et ajuster les politiques en conséquence.
Opacité des négociations
L’opacité des négociations visant à octroyer des accès aux flottes étrangères a souvent conduit à la surexploitation des ressources. Les commissions mixtes devront promouvoir la transparence et l’inclusion des communautés de pêche artisanale dans les processus décisionnels. Cela pourrait inclure la participation active des représentants des pêcheurs artisans dans les discussions et la mise en place de mécanismes de consultation réguliers.
Renforcement des capacités
Les pays de l’Afrique de l’Ouest manquent de moyens techniques, financiers et humains pour une gestion efficace des ressources halieutiques. Les commissions mixtes devront s’attacher à renforcer les capacités locales par le biais de formations, de partenariats avec des institutions scientifiques et de l’accès à des technologies modernes de surveillance participative des pêches.
Stratégies pour une mise en œuvre réussie
L’approche participative est essentielle pour le succès des commissions mixtes. Il est crucial d’inclure les pêcheurs artisans dans la planification et la mise en œuvre des politiques de gestion. Cela permettra de s’assurer que les mesures adoptées sont adaptées aux réalités locales et bénéficient d’un large soutien des acteurs.
Utilisation des technologies modernes
L’utilisation de technologies modernes peut améliorer considérablement la gestion des ressources halieutiques. Par exemple, les systèmes de surveillance par satellite peuvent aider à détecter et à prévenir la pêche INN.
La mise en place de commissions mixtes pour la gestion des stocks partagés en Afrique de l’Ouest représente une avancée significative vers une pêche artisanale durable. En adoptant une approche participative, en utilisant des technologies modernes et en renforçant la coopération régionale, ces commissions peuvent aider à surmonter les défis actuels et à assurer la durabilité des ressources halieutiques.
Grâce à ces efforts concertés, la pêche artisanale peut continuer à contribuer à la sécurité alimentaire et à l’éradication de la pauvreté dans la sous-région.
Mamadou Aliou DIALLO